Dans notre panorama des ramifications orangistes, nous nous attardons sur les saint-simoniens, nos technocrates alpha à nous. Plus qu’en 1848 (Ligue des communistes, Manifeste communiste, Printemps des peuples), c’est à leur époque en 1830 que sonne le coup de feu du mouvement ouvrier, autonome et conscient. Et que ne découvrons-nous pas ? Les saint-simoniennes, premier mouvement féministe et premier journal féministe : « C’est en affranchissant les femmes qu’on affranchira le travailleur », réclame La Femme libre en 1832, la revue éditée par les prolétaires saint-simoniennes.
Ce mouvement, initié par Charles Fourier puis par le polytechnicien et chef de l’Église saint-simonienne Prosper Enfantin, ne tarde pas à se scinder entre sa branche technocratique et bienveillante, et sa branche « lutte de classes ».
Le technocrate Enfantin, autopromu Prophète des femmes, leur confère un rôle symbolique (on dirait essentialiste) : « la femme » représenterait le génie qui engendre (plutôt en Mère-Machine qu’en Terre-Mère) ; et par sa bienveillance naturelle, pardon symbolique, alors que gronde la révolte canuse, son rôle historique résiderait dans la pacification / réconciliation des classes.
Cette manœuvre idéologique permet à Enfantin de virer la branche « communiste » emmenée par Amand Bazard – avec ses barricades mâles, sa lutte de classes virile et improductive – puis les premières féministes du mouvement... au nom de leur autonomie à conquérir en non-mixité.
Dans cette ambiance communautaire et militante, ajoutons aux intrigues idéologiques quelques considérations morales et autres « histoires de cul », et nous obtenons le récit originel des futures communautés hippies et groupes affinitaires.
Pour lire le chapitre 17 de notre série Bleue comme une orange, ouvrez le document ici.
Les chapitres précédents sont à lire ici :
Chap. 16 Lyon, 1830-1834, chef-lieu de l’industrialisme
Chap. 15 : Saint-Simon, l’ingénieur-prêcheur de l’industrialisme
Chap. 14 : L’industrialisme : une histoire belge
Chap. 13 : L’Ecosse passe à l’orange - Les Lumières écossaises théorisent l’industrialisme néerlandais
Chap. 12 : 1688 : l’Angleterre passe à l’orange
Chap. 11 : Du café du commerce aux « Lumières hollandaises » - et de la tolérance au développement séparé (apartheid)
Chap. 10 : L’éthique catholique et l’esprit du capitalisme.
Chap. 9 : Les huguenots à la conquête du (Nouveau) Monde
Chap. 8 : Jean Calvin et l’esprit de l’industrialisme
Chap. 7 : Premières scissions dans l’église.
Chap. 6 : Quand les bourgeois flamands inventaient la Commune.
Chaps. 4 & 5 : L’entrepôt général de l’univers et la révolution flamande.
Chaps. 1, 2 & 3 : Vues générales, orangisation agricole et lutte contre les eaux.