Il n’y a pas que « Le Groupe de Roubaix », à Roubaix, ce groupe artistique échafaudé tant bien que mal par la bourgeoisie textile locale, via le musée de La Piscine, pour se montrer en beauté et valoriser son paternalisme historique. Il y a aussi Modeste Richard et Tomjo, qui exposent du 7 au 20 novembre 2025, au Camion.
Il n’y a d’ailleurs pas que le musée de La Piscine, à Roubaix. Ce musée destiné à la production textile remarquable sert plutôt de remise pour sculptures de brocante. 9 millions d’euros d’argent public lui permirent de reconstituer l’atelier d’un sculpteur hitlérien, artisan de la déjudéisation des Beaux-arts. Cette dépense inqualifiable, tout le monde s’en est toujours foutu à Roubaix. Sauf notre goupilesque Modeste Richard, qui réserva une riche enquête au sujet du sculpteur, mais aussi de la bourgeoisie roubaisienne, et de ses compromissions sous l’Occupation. Il fallait bien expliquer ceci par cela.
Jacques-Yves Mulliez (La Vie Au Camp) venait de publier sa Guerre secrète (Les Lumières de Lille, 2010), une opération de valorisation de sa tardive épopée résistante, après avoir milité aux Croix-de-feu et diffusé des journaux en soutien au Maréchal. D’où le concept, si utile au patronat, de « vichysto-résistant » : vichyste pour mater la main d’œuvre, résistant pour sauver les usines du joug allemand (et du STO).
Roubaix, Ville d’art et d’histoire, est aussi la patrie de Jean Prouvost, patron de La Lainière (les chaussettes Stemm, les laines du Pingouin, les chemises Lacoste), à la tête avant-guerre de « magazines abrutisseurs » comme Paris Soir, Match, Marie-Claire, et son équivalent masculin : Jean-Claude (vous pouvez vérifier). Après avoir rendu hommage aux factieux du 6 février 1934, Prouvost est partisan de la Défaite de juin 1940 (plutôt Hitler que le Front populaire) et du régime de Vichy, dont il est ministre de l’Information. Frappé d’indignité nationale à la Libération, Jean est finalement acquitté en 1947, au nom des intérêts supérieurs de l’économie ; il peut racheter Le Figaro en 1950.
Bref, l’enquête du camarade Modeste au sujet de la sculpture d’extrême droite lui vaut la visite de la police, quelques jours avant l’inauguration de l’atelier du nazi, en 2018. D’abord chez lui, puis sur son lieu de travail, sur indication d’une personne qui connaît ces deux adresses – les regards se tournent vers les bureaux de La Piscine.
Tout ça pour dire qu’à Roubaix, ville où les plus pauvres côtoient les plus riches, il existe une autre expression que celle des patrons d’industrie et de leurs tentatives désespérées de type « Lille30000 » pour « redorer l’image du territoire ». Elle s’exprime sous les décombres de la société industrielle, sans volonté de redorer quoi que ce soit, pas même cette époque de bagne qu’on nous fait passer pour « Glorieuse ». Si elle sait d’où elle s’exprime, elle sait aussi contre qui et comment. On en a témoigné au moment de la destruction en 2023 du doigt d’honneur destiné aux bétonneurs.
Elle s’exposera au Camion, à Roubaix, du 7 au 20 novembre 2025. Vernissage le 7 novembre à partir de 18h. Lectures d’Alexis Trousset et présentation de Nord c’est noir par Tomjo.
L’exposition part ensuite à Paris les 5 et 6 décembre au Centre international de Cultures populaires.

