La Ville ne dépensera pas en communication pour la « piscine » de Saint-Sauveur ce qu’elle a dépensé pour la remise en eau du Peuple-Belge. Il n’y aura pas de référendum consultatif, pas de stands sur les marchés, ni de plaquettes dans les boîtes aux lettres. Depuis le 10 juin et pendant un mois, chaque habitant est invité à remplir, seul derrière son écran, le registre numérique concernant la « Demande d’autorisation modificative au titre de la loi sur l’eau de la ZAC Saint-Sauveur ». En résumé : à donner son avis sur les « impacts » de la piscine, après lecture – pénible – d’une étude de 148 pages d’une rebutante technicitude, amendée suite à notre procès gagné au Tribunal administratif. Avant de se coltiner « contexte hydrogéologique », « substratum » et autre « niveau piézométrique », avant de s’enfermer dans des débats d’experts, faisons de la politique : discutons l’utilité sociale du futur complexe événementiel et sportif.
« On a un vrai besoin de lignes d’eau », prétend Martine Aubry [1]. Le Ministère des sports relève quant à lui en 2013 que le niveau d’équipement lillois surclasse celui de Paris, Rennes, Marseille ou Lyon. Mais peu importe. PARC, association de défense de l’environnement, considère plutôt qu’on a un vrai besoin de nature, puisque Lille en est la moins bien dotée de France ; qu’on a un vrai besoin de pistes cyclables, puisque Lille est là encore en fin de classement ; ou encore un vrai besoin d’espaces de pleine terre pour supporter sécheresses, canicules et grosses pluies qui se multiplient ces dernières années.
D’autres que nous peuvent considérer qu’on a besoin de stands de tirs de ball-trap, ou de circuit de karting, ou de club de voile. Nos besoins sont des questions politiques. Et les questions politiques se discutent : de quoi avons-nous le plus besoin à Lille ? D’espace vert et d’air sain, ou d’une piscine olympique ?
Mais admettons… Admettons qu’il faille urgemment une piscine pour apprendre la nage aux enfants, et ainsi « agir sur les chiffres tragiques des noyades chaque été », comme on le déplore ces temps-ci pour défendre la « piscine » de Saint-Sauveur [2]. Vendue d’abord pour accueillir les J.O. 2024, la future piscine s’accompagne depuis quelques mois d’une musique sociale et éducative.
Faut-il alors, pour chés gosses barboter, détruire la piscine Marx Dormoy, et lui substituer un bassin olympique de 50m avec 2 000 places de gradins, cinq bassins d’agrément, une fosse de plongée de 40 mètres, un restaurant, et une salle de réception et de congrès ?
L’enjeu réel à Saint-Sauveur n’est pas d’éviter les accidents de baignade dans les campings. Pour cela, une piscine suffit, et il est inutile de détruire les deux bassins de Marx Dormoy. L’enjeu véritable, et qui n’étonne plus depuis Lille2004, est de marquer des points dans la compétition des métropoles dynamiques avec un équipement pensé comme outil de marketing territorial, dimensionné pour accueillir compétitions internationales, Jeux Médiatiques, sportifs de haut niveau, journalistes, spectateurs, touristes, débarqués d’un aéroport international flambant neuf, et profitant une ou deux nuits de l’offre hôtelière de la ville.
Le futur complexe aquatique de Saint-Sauveur n’est pas une piscine ni un lieu d’éducation des jeunes à la natation. Il charrie, en plus des valeurs de compétition, de multiples nuisances économiques, des quantités d’eau gaspillées et souillées par le chlore, des déplacements internationaux et des parkings, des tonnes de béton. Et il détruit, au passage, le dernier espace possible de respiration, ouvert et gratuit celui-là.
Peu importe alors que la nouvelle « étude d’impact » soit mieux foutue que la précédente ; que chaque impact sur l’environnement, la nappe phréatique ou la qualité de l’air ait été mieux évalué, sinon « évité, réduit, compensé », comme le réclame la séquence « E.R.C. » du code de l’environnement. Pour toutes les raisons évoquées plus haut, et pour bien d’autres encore, nous refusons ce qui est en fait le Complexe événementiel et sportif de Saint-Sauveur.
C’est après avoir rappelé cela que nous lirons et contribuerons à l’enquête publique, puisque le dialogue territorial en est réduit à ces discussions de faisabilité technique et juridique. Et nous vous invitons à en faire de même à cette adresse.
Pour une ville vivable et vivante : refusons les projets grandiloquents, construisons un grand parc sur Saint-Sauveur !
P.A.R.C., et A.S.P.I., le 14 juin 2022.
https://parcsaintsauveur.wordpress.com/
Crédits photo : Rabot Dutilleul constructions