Connaissez-vous Rio Tinto ? Le genre de multinationale extractive pointée par toutes les ONG de la planète pour ses dégâts écologiques ? Le 24 novembre dernier, le Conseil régional des Hauts-de-France lui attribuait une subvention de 147 000 euros pour produire, dans son entreprise Borax de Coudekerque, un dérivé de lithium et borate pour voitures électriques. Si la somme est modeste, la décision est emblématique : votée à l’unanimité des suffrages, droite, gauche, « écolos » compris.
Nouvelles locales
Coup de chance, la batterie (au lithium) dispose d’un pays et d’une population rompus au servage et à l’empoisonnement industriels : le Nord-Pas-de-Calais. Son habitant, le Chti, est bon à tout et ne coûte pas cher. Charbonnage, décharbonnage, silicose, sidérurgie, désidérurgie, chômage, bière et pizza – rien que d’authentiques clichés AOC. La mise au point de la batterie au lithium et la mise à disposition de la région pour la produire, voici les deux fils conducteurs qui tressent ce demi-siècle d’histoire, ici condensé en quelques minutes de lecture.
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En 2015, trois événements marquent la bascule planétaire vers l’irrévocable Transition, à l’aide et à l’ère des gigafactories. La Transition c’est le changement dans la continuité. Une bouillie de « résilience », d’« adaptation » et de « collapsologie », à destination de jobards en quête de gourous et de bonimenteurs. Une bouillie de « participation citoyenne » et de « vision positive » qui tourne toujours en fin de compte aux « accommodements raisonnables » avec l’emballement technologique. On verra comment la « Vallée de la batterie » y contribue par pillage de matières premières, eau, espace, argent public et main d’œuvre.
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Nous nous sommes rendus les 13 et 14 octobre 2023 à l’étape dunkerquoise du Climat Libé Tour, une tournée nationale de « forums » pour « explorer les enjeux de la transition écologique ». Trente ans après le « développement durable », voilà qu’une « croissance sobre » de « l’industrie verte » vise autant la « transition juste » qu’elle fait reculer le Rassemblement national. Voici de quels trésors l’État et l’industrie usent pour se faire accepter de ce segment de l’opinion qu’incarne Libé.
Nouvelles globales
Sincèrement, depuis L’Enfer vert en 2013, on n’a jamais vu autant d’écolos soutenir l’industrie lourde, de collectifs, syndicats, partis, et mouvements plus ou moins gazeux financer ou réclamer qu’on finance jusqu’aux plus gros pollueurs du monde, sous prétexte d’« écologie ».
Connaissez-vous la Société d’Accumulateurs Fixes et de Traction ? Lideur mondial dans les domaines civils et militaires de l’aérospatiale et des transmissions, c’est à elle qu’on doit la première de cinq gigafactories prévues en France en vue de la transition au tout-électrique. Car sans batteries, pas de smartphones, d’ordinateurs portables, de voitures électriques, d’objets connectés ni d’implants cérébraux.
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Derrière leurs atours écolos, les transhumanistes ne luttent pas contre les nuisances. Technophiles et « résilients », ils comptent sur l’ingénierie génétique, la chimie et les nanotechnologies pour adapter la nature humaine et animale à un milieu saccagé.
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ChatGPT : deux « Républicains », deux « Démocrates », pareillement transhumanistes et investisseurs de l’ingénierie génétique, les technologies reproductives et la vie éternelle. Aucune limite morale ou juridique ne saurait les contredire, seulement l’apocalypse technologique - à laquelle ils sont préparés. Il faut parfois se frotter les yeux devant leurs projets et justifications.
Histoire & Culture
Poète révoltée par la laideur du monde industriel, nous devions rappeler quelle singulière « écologie passionnelle » nous
lègue la dernière des surréalistes. Cette biographie est suivie des Menaces et revendications d’Unabomber qu’Annie Le Brun contribua à publiciser.
Deux propositions culturelles ont interpelé notre service Culture. Le concert d’Astéréotypie, groupe de rock surréaliste aux textes écrits et chantés par quatre auteurs autistes. L’exposition Animalis Machina, une science-fiction plongée dans une entreprise d’animaux et de viande synthétiques. Deux propositions en but au transhumanisme, à la standardisation des vivants par les technologies reproductives.
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Ces deux rétifs à l’esprit d’église et de parti exprimèrent un dégoût assez similaire devant l’enrégimentation des hommes et des paysages par la société bureaucratisée, machinique, industrielle. Yourcenar, de son vrai nom Crayencour (l’anagramme a perdu une lettre), est la locale de cette Bibliothèque, née à Bruxelles, d’une lignée aristo flamande, élevée au Mont-Noir.
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« C’est en affranchissant les femmes qu’on affranchira le travailleur », réclame La Femme libre en 1832, la revue éditée par les prolétaires saint-simoniennes. Le premier mouvement féministe moderne, initié par Charles Fourier et le chef de l’Église saint-simonienne Prosper Enfantin, ne tarde pas à se scinder. D’un côté la branche technocratique et bienveillante, de l’autre la branche « lutte de classes ». Toute ressemblance avec des faits présents ne saurait être fortuite.